Rubrique ‘Escapades’
J’ai rédigé 9 chapitres dans le guide Lonely Planet des Plus beaux lieux pour voir la vie sauvage en France : le Marais poitevin, Le Teich, les Sept-Îles, les gorges de la Jonte, la Brière, le lac de Grand-Lieu, le parc national de Forêts, l’île de Ré et la Brenne.
La distance entre le premier sanctuaire (cf. post précédent) et les deux autres étant relativement éloignée (une cinquantaine de kilomètres), cette dernière journée sur le Kumano Kodo impose une vigilance sur les horaires des cars. Nous sommes parties à 8 h 50 de Yunomine Onsen et sommes arrivées à Gongen-mae une heure après. Après un café convenable chez une dame (qui nous a photographiées !) et sa mère, nous avons découvert Hayatama Taisha, le deuxième sanctuaire des trois de Kumano Kodo, qui nous a semblé relativement banal. Beaucoup plus étonnant, le Kamikura Jinja, dont le site spectaculaire est accessible au terme d’une longue montée sur un énorme escalier de pierre interminable. Ce sanctuaire n’est pas facile à trouver (merci à Jérôme de nous l’avoir indiqué ; pour les voyageurs qui souhaiteraient le dénicher, ça se passe en haut à gauche de cette carte et le dit sanctuaire se trouve plus bas à droite du cartouche de légende).
En attendant le bus qui devait nous mener ensuite de Gongen-mae vers la dernière étape, Nachi, via la gare de Shingu, une femme à l’arrêt de bus nous a offert une orange et des bonbons aux algues (« Kombu Ame » de chez Maruwa). Après une pause udon (pâtes de blé dans un bouillon) et une glace de chez Glico (première fois que j’achète un cornet de glace dans un distributeur !), le bus nous a transportées en une dizaine de minutes au pied de l’impressionnant escalier de Daimon Zaka que nous avions choisi de gravir pour accéder au site phare de ce pèlerinage : le grand sanctuaire de Kumano Nachi Taisha, qui est situé à mi-chemin du sommet du mont Nachi, à environ 350 m au-dessus du niveau de la mer. Le culte voué à la cascade de Nachi-no-Otaki, clou du spectacle, est à l’origine de ce sanctuaire. À 133 mètres de hauteur et treize mètres de largeur, cette chute vénérée par André Malraux est la plus haute du Japon, et peut même être observée depuis l’océan Pacifique. Depuis le petit jardin bien tenu qui jouxte a pagode élancée de Seiganto-ji , la vue sur l’océan est sublime… On peut s’approcher très près de la cascade par un sentier, la fin est payante.
Nous avons attrapé l’avant-dernier bus (autour de 17 h, prudence !) pour Kii-Katsura, bourgade étrange et sans âme connue pour être l’un des plus grands ports de pêche au thon du Japon. À 5 min en bateau (transport gratuit), des onsen (sources d’eau chaude) sont proposés sur de petits îlots coiffés de végétation. On y trouve aussi des panneaux en cas d’alerte tsunami, qui dirigent vers un abri. Nuit à l’Hôtel Charmant (en français dans le texte) dans de vrais lits, une fois n’est pas coutume), où nous avons goûté une étonnante soupe sucrée, Zenzai, à base de mochi (pâte de riz) et de haricots rouges, mise en bouche exotique avant un succulent dîner de shashimi ultra frais dans le petit resto d’en face.
Pour éviter les 40 minutes de marche jusqu’à l’arrêt Nonaka-no-Ippousugi, le propriétaire du minshuku (non content d’être l’éminent cuistot du dîner de la veille), nous y a déposées en voiture (les Japonais roulent à gauche). Contrairement à ce que l’on peut croire en consultant les horaires à distance sur le site de Kumano Travel, on peut s’affranchir du bus de 7 h 49 au profit de celui de 9 heures et quelques, en changeant à Hongu Taisha-mae à 10 h 10 de manière à arriver au temple par un tronçon populaire, qui part Hosshinmon-oji. Il faut ensuite environ 2 h pour rejoindre à pied le premier des trois sanctuaires du pèlerinage : Kumano Hongu Taisha, qu’incarne le corbeau à trois pattes « Yatagarasu » (lesquelles symbolisent la terre, le ciel et l’humanité). En chemin, jolis points de vue sur la vallée, les crêtes et les plantations de thé.
Un coup d’œil sur les expos du centre d’accueil et sur le grand torii (lorsque nous y passons, des démonstrations d’aïkido ont lieu à côté, le créateur de cette art martial étant né à Tanabe), puis nous décidons de rejoindre à pied Yunomine Onsen par un sentier relativement raide, soit 1 h 15 de marche (…et de marches) dans une agréable forêt de cryptomères.
Nous faisons étape dans ce petit village célèbre pour ses sources d’eau chaude (onsen) et testons celle de notre auberge, le Yoshinoya Ryokan, si chaude qu’il faut y ajouter de l’eau froide.
Les Japonais ne souhaitent pas vraiment un bon appétit avant de manger, mais disent « itadakimasu« , qui signifie « Je reçois avec humilité », à l’image de la formule qu’utilisaient les samouraïs lorsqu’ils tuaient un manant, explique le Guide Vert Michelin. Ils s’excusent en quelque sorte d’emprunter à la nature de quoi se sustenter. Je me suis gobergée ce soir au minshuku (maison d’hôtes) Tsugizakura, où le propriétaire, fin cuistot, fabrique aussi lui-même les couverts. Le meilleur repas japonais « kaiseki » que j’aie jamais mangé, c’est-à-dire la forme la plus sophistiquée de la gastronomie nipponne. En l’occurrence huit plats, dont l’incontournable soupe miso, que je n’ai pas photographiée. Le tout accompagné d’un excellent saké.
Départ à 7 h 30 de notre ryokan, dans le centre de Tanabe, pour retrouver le chauffeur de la « shuttle » qui transporte nos lourdes valises vers le ryokan suivant, près de Tsugikazura-oji (« oji » signifie qu’il s’agit d’un sanctuaire secondaire par rapport aux trois célèbres sanctuaires de la péninsule de Kii : Kumano Hongu Taisha, Kumano Hayatama Taisha et Kumano Nachi Taisha. Indispensables pour les marcheurs (sauf à voyager léger), ce service est fiable et pratique, mais coûteux (en l’occurence, 60 euros pour nos deux valises). Le prix dépend évidemment de la distance.
Nous avons ensuite pris le bus pour dépasser le tronçon déjà réalisé hier et marcher jusqu’à l’étape de la soirée, Minshuku Tsugizakura, une maison d’hôtes très agréable où ont échoué une Australienne et un couple d’Américains (3 chambres seulement). La pluie annoncée a un peu réduit notre programme de marche. Nous profitons d’un accueil chaleureux et de ce répit pour sacrifier au rituel du bain japonais dans une baignoire en bois, précédé d’une douche, le bain (très chaud) étant potentiellement utilisé par tous les hôtes.
Je n’aurais jamais foulé les chemins sacrés de Kumano sans les conseils avisés de mon ami Jérôme Galland, photographe de son état, avec qui je partage le goût du Japon, de la marche… et de la bonne chère. Randonner sur le Kumano Kodo, unique réseau de sentiers de pélerinage classé au Patrimoine mondial de l’Unesco avec les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, ne s’improvise pas ! Organiser à distance quatre jours de marche m’a pris des heures, c’est donc pour simplifier la tâche d’éventuels voyageurs que j’en consigne ici les détails. Tous les hébergements peuvent être réservés sur le site très complet de Kumano Travel, dont une partie est en français. Vos options sont validées par quelqu’un qui peut vous faire des suggestions et rien n’est débité avant votre validation. C’est sérieux et bien fichu, mais parfois un peu fastidieux.
Avec une amie neko-addict-férue-de-« tanuki », nous sommes parties de Kyoto par le car (très confortable, avec Wifi) de 8 heures depuis la gare de Kintetsu (juste derrière la gare centrale, gigantesque), qui arrive dans la petite ville côtière de Tanabe à 11 h 28 (en réalité un peu plus tôt, que la SNCF en prenne de la graine…). Un saut à l’office de tourisme tout proche nous a permis de vérifier quelques points logistiques et de récupérer des plans (également disponibles dans les offices de tourisme d’Osaka), horaires de bus… avant de rejoindre notre ryokan, à 5 min à pied de la gare, réservé quatre mois plus tôt. Point important car il aurait été préférable de passer la nuit dans le premier village étape de notre randonnée, mais tout était déjà complet. Les auberges sont rares et ont peu de capacité. Il faut vraiment anticiper en tenant compte des kilomètres parcourus chaque jour et des horaires de bus, pas si nombreux (et les arrêts ne sont pas légion). Faute d’hébergement en route, nous avons donc dû prendre le bus (relativement cher) jusqu’au départ de Kumano Kodo, à Takijiri et revenir à Tanabe en bus depuis le Kurisu-gawa bus stop après nos 3 premières heures de marche. L’étape à Tanabe n’en reste pas moins pittoresque : si la ville ne présente aucun intérêt esthétique, goûter la cuisine locale dans un authentique « izakaya » (pub japonais) constitue un plaisir en soi, surtout chez Kanteki, pour un dîner aussi succulent que truculent ! Au passage, histoire de vous épargner ça, les prunes marinées (« umeboshi ») vendues un peu partout sur le parcours sont à la fois vinaigrées et ultra salées. Les locaux les mélangent à du riz ! Oubliez-les comme « en-cas ». C’est immangeable pour nos palais occidentaux. Chose étonnante, des oranges poussent dans la région.