C’est un bout du monde comme il en existe des milliers d’autres, une avancée des terres dans la mer qui suffit à lui conférer quelque intérêt, la dernière pointe formée par le littoral avant l’estuaire et Saint-Nazaire. En voyant la mer démontée, je pense à Kamakura, un mois plus tôt, une autre baie en bordure d’un Pacifique qui ne l’est guère pour les Japonais. Au large, des vraquiers posés tels deux gros Lego semblent renoncer à franchir la ligne d’horizon. A bonne distance l’un de l’autre, ils demeureront immobiles jusqu’au lendemain.
Quand j’étais enfant, une promenade à la pointe Saint-Gildas sonnait comme quelque chose de solennel. Il fallait faire un peu de voiture. Nous dépassions Pornic, frontière au-delà de laquelle les bourgs se teintaient d’exotisme. La côte était plus rocheuse, constellées de berniques que nous arrachions à leur support minéral pour en faire de savoureuses poêlées. De berniques, au sud de Pornic, il n’y en avait point. Pas plus qu’il n’y avait de « grains de café », doux coquillages à l’ourlet crénelé que ma mère traquait sur le sable mouillé. Le blockhaus, immuable et mystérieux, ajoutait probablement à la singularité du lieu. Depuis le petit balcon de notre hôtel, je regarde l’imprenable bunker, partie prenante du paysage. Jamais, alors que je jouais à me faire peur à l’intérieur, je n’aurais imaginé possible de passer le jour de Noël à cet endroit. La pointe Saint-Gildas, figée dans mon imaginaire d’enfant, n’existe que l’été.
Photo : Partie de volley (avec Michel) à La Bernerie. Œuvre (mythique) du Nantais Pierrick Sorin. © Pierrick Sorin.