Dimanche, le printemps a pris un toboggan. Zou, a glissé dans l’été. Et nous avec. Debout, sur mon île face à au village trop éclairé, premier chant du coucou, sans un sou en poche. Mince. Mais contente quand même. A peine remise, les premières trilles du rossignol planqué dans un bosquet épineux. Un rossignol quoi. Puis une fauvette énervée qui daigne se montrer. Un faucon plane au-dessus, des buses paradent dans une ascendance. Un ciel repeint dans la nuit. Ambiance surréelle. Suis-je vraiment réveillée ? Oui. Même que dans la nuit, une guêpe endormie a piqué le petit être brun : une première fois (pas assez), une seconde (la bonne) : « Debout là-dedans ! C’est le printemps ! »
Derrière un gros tronc à l’écorce ridée, j’observe deux chevreuils contre le vent tiède. Les bois d’un troisième brocard apparaissent derrière une butte de la prairie d’un vert électrique. Puis une chevrette délicate. Quatre chevreuils, quatre hérons cendrés : mes jumelles ne sont pas assez grandes pour contenir tout ça. Petit moment de grâce : un chevreuil houspille un héron qui s’envole, courroucé.
A bout de l’île, une colonie d’hirondelles de rivage pépie avec force loopings. Je regarde au sol, piètre botaniste que je suis. Dominique m’apprendra un peu plus tard que j’ai vu des ornithogales en ombelle (ou « dame de onze heures », allez savoir pourquoi), des cardamines des prés et un volumineux chardon de Marie. Précieux vocabulaire naturaliste.
Je pense à Jean-Louis Murat et à son Toboggan à lui, très bel album où, enfin, il ne semble pas bouder son plaisir. De nouveau des noms d’animaux, des cris aussi, des comptines et des paroles qu’on ne comprend pas toujours, le patois désuet et poétique du troubadour bougnat. Une tranquille dérive à l’image de la Loire qu’il cite dans son disque… et qui coule sous mes yeux. La Loire, ce lien, toujours.